Démarche Années : Commentaires - Autres (Articles, publications,...)


Commentaires :


À cette époque je suis amené à peindre presque journellement le modèle à l’Académie. Les poses des différents modèles nus qui se succèdent me font songer que l’être humain habillé affecte, la plupart du temps, des attitudes diverses qui ne sont pas le reflet de ce qu’il est. Il les adopte au gré des circonstances en fonction d’un état attribué, d’un sentiment perçu, d’une occupation ou d’une activité permanente ou momentanée. Il joue un rôle que son entourage et lui-même finissent par confondre avec ce qu’il est vraiment (voir l’extrait du « Théâtre de l’art », Acte II, scène 2, dans la rubrique Théâtre).

Je décide donc de mettre l’humain en situation de posture, d’image composée, d’apparence fabriquée, de le présenter tel qu’il veut qu’on le perçoive. Il est donc « habillé » de préférence intégré dans son environnement privilégié. Je m’aperçois qu’il suffit d’ouvrir des magazines pour trouver de nombreux modèles en photo qui répondent à mon projet. Je suis amené néanmoins à modifier parfois une attitude pour qu’elle soit plus prégnante ou à créer le décor qui lui sied.

J’emploie des couleurs vivantes, chatoyantes parce que l’image projetée cherche à se valoriser, à être séduisante, affirmée et remarquée, mais sans doute aussi parce que je suis moi-même dans une période faste. D’instinct, je peins mes protagonistes sans visage pour rappeler leur intériorité - leur véracité - cachée derrière leur apparence.

Dans les premières œuvres les personnages s’extraient d’une matière colorée informelle. Ils sont le produit de leur milieu et y restent intimement liés (j’intitule cette série : « L’envoûtante légèreté »). Au fil des années les personnages se concrétisent, s’affirment, se symbolisent, se détachent de leur environnement sans doute pour renforcer la réception de leurs rôles par le spectateur (je les regroupe sous le thème : « Apparences… »).

J’ai peint environ cent cinquante tableaux dans cette veine. Ils ont été largement appréciés dans la « forme », mais ils n’ont pas toujours été compris sur le « fond ». On en a souvent retenu qu’une célébration des charmes féminins.



Autres (Articles, publications,...) :

La Meuse Huy-Waremme

Les peintures d’Alain Zenthner s’articulent autour du thème de l’apparence de l’être humain. Masques et attitudes incarnés par l’être humain face à telle ou telle situation. Chaque toile nous met en présence d’un ou plusieurs personnages, silhouettes réduites à un amalgame de formes colorées. Une explosion de couleurs vives et gaies animent la surface de la toile, les rouges cadmium et jaunes citron côtoient les verts, bleus de cobalt et outremer. Pour l’artiste, peindre correspond à la définition de Maurice Denis : un tableau est avant tout une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblé.
Ces personnages affichent des attitudes diverses : de l’amoureuse à la cavalière en passant par l’effrontée, la présentatrice ou la frivole, les adjectifs ne manquent pas et se multiplient pour décrire les facettes de la femme.
Anonymes, les visages se refusent au détail anecdotique. Point de trait distinct, seule une masse blanche et silencieuse délimite le visage. Le fond et le personnage se confondent. L’équilibre des formes, le rapport des masses colorées, tout concourt à générer l’harmonie.
En regardant ces toiles, nous flânons dans des espaces chaleureux empreints de vitalité. Au fur et à mesure qu’il développait ses propos sur l’apparence, l’artiste s’est aventuré vers d’autres moyens d’expressions. Depuis quelques années à peine, il fréquente les cours d’expression corporelle et de théâtre. Des disciplines complémentaires dans lesquels il trouve l’expression directe de sa vision picturale.
Les personnages peint, qui constituaient l’idée de base de sa recherche plastique, a pris corps dans des comédiens et l’artiste joue désormais sur plusieurs tableaux. La démarche reste similaire : dévoiler le côté superficiel de l’homme et l’envers du décor du milieu artistique. Auteur du « Théâtre de l’art », pièce en trois actes, Alain Zenthner lève le voile sur les conditions de l’artiste confronté au marché de l’art.
Un travail qui parachève celui des peintures et donne au public une interprétation plus vivante. Non seulement les comédiens incarnent des attitudes, mais ils présentent en outre un défilé de mode où l’esthétisme et le phénomène mode sont primordiaux.

Martine Hougardy

_______________________________________

Vers l’Avenir

(…) Ces tableaux eux-mêmes sont architectures. Sa joie première est de disposer sur la toile, avec une harmonie purement concertée, d’éblouissantes tâches de couleur.
Mais ces plages colorées, pour notre plus grande joie, ne se contentent pas de dialoguer dans l’abstrait. Par leur simple juxtaposition, sans avoir recours au dessin, elles composent des personnages qui bougent et vivent. Les contours linéaires sont en effet absents, ce grand obstacle au mouvement.
D’autant plus que l’artiste use fastueusement du contraste entre couleurs chaudes et froides. Les verts et les bleus froids donnent la réplique aux jaunes et rouges les plus brûlants. On sait que les couleurs chaudes avancent, et que les froides reculent. Cela donne de saisissants effets de perspectives chromatique.
Mais le savoir-faire d’Alain Zenthner ne s’arrête pas là. Il excelle à suggérer, de manière éminemment allusive, les poses corporelles les plus diverses, et à travers elles, les attitudes mentales correspondantes. Les titres sont à ce propos révélateurs : l’amoureuse, l’indécise, les rêveuses, l’insouciante, la provocante, la frivole…
Titres, nous l’avons remarqué, presque toujours au féminin. Occasion de plus pour nous convaincre que la femme, dans l’aventure de la peinture moderne, est la plus grande gagnante, et qu’elle étend sur elle son règne triomphal.
Notons que la femme présente ici est sans visage. Il est remplacé par un ovale blanc, qu’on peut assimiler à un masque. Le motivation que nous en donne l’artiste, c’est que le visage est si interpellant, dans la personne, qu’il pourrait devenir envahissant et rompre l’équilibre plastique. Nous pourrions ajouter que ce blanc, au centre du tableau, est une bien jolie tâche de lumière.
Si ce symbolisme ne nous suffit pas, le texte de présentation stipule qu’ « Alain Zenthner travaille sur le thème des apparences, de celles qu’on revêt pour cacher les vrais êtres humains que nous sommes… ». Ceci pour rassurer les rationnels impénitents, toujours impatients de coller une idée sur un tableau.

Jacques Henrard

_______________________________________

Extrait d’Artistes et Galeries, 4ème Edition.

L’œuvre

La portée de l’œuvre d’Alain Zenthner ne réside pas uniquement dans sa production picturale. Celle-ci est la manifestation tangible et durable d’une réflexion sur notre monde contemporain, et particulièrement sur l’individu comme assimilé à notre société. Ces compositions hautes en couleurs, dissoutes dans le mouvement et l’attitude du modèle, souvent féminin et dont l’individualité est gommée par un visage vide de traits et d’expressions, ces compositions font partie intégrante d’une démarche dans laquelle l’installation et les expressions corporelle et dramatique ont partie prenante. Une exposition de Zenthner est l’occasion pour l’artiste d’exprimer ses recherches et ses idées par l’image mais aussi par le corps, l’apparence, le mouvement et les mots. Plus spécifiquement, sa réflexion picturale s’articule autour d’un certain « culte de l’apparence » qu’il se plaît à définir et à mettre en scène en une série de miroirs réfléchissants. L’anonymat des personnages, le choix des titres qui sont autant d’états d’âme ou de traits de caractères, renforcent ce processus d’identification qui fait de Zenthner une sorte de « sociologue-témoin par l’image. » La démarche est d’autant plus intéressante que ses toiles dépassent allègrement le seul message qui les a induites par une valeur plastique évidente. Le peintre joue avec la couleur qu’il distribue en larges aplats et selon une alchimie de plans successifs et d’expressivité. Il s’épanouit en des compositions justes, équilibrées, où le mouvement s’avère essentiel même s’il devient plus subtil. Et, dans les dernières œuvres, on sent Zenthner plus attentif à la lumière qui agit sur lui comme un élément rassembleur. Ses personnages ont gagné en matérialité, en épaisseur mais sans rien perdre de leur vaporeux anonymat.

La critique

« Alain Zenthner construit son œuvre sur la couleur vive tout en se situant entre la figuration et l’abstraction. (…) Une juxtaposition d’étoffes colorées au sein desquelles subsistent - plus que n’existent - des corps féminins. » (F. Hendrix, La Meuse, 25 février 1998) – « La palette d’Alain Zenthner est large. Il mêle couleurs chaudes et couleurs froides avec savoir-faire, proclame ses toiles au nom d’attitudes mentales : l’amoureuse, l’indécise, les rêveuses, l’insouciante, la provocante, la frivole, etc. » (R. H., L’Avenir du Luxembourg, mai 1999.) – « (…) Alain Zenthner nous a séduit par sa peinture flamboyante, animant dans l’espace des personnages d’autant plus mobiles que constitués de plages de couleurs juxtaposées, sans la fixité de contours nets. » (J. Henrard, Vers l’Avenir, 9 février 1999).



Haut de la page