"Il faut que la peinture serve à autre chose qu'à la peinture", Henri Matisse.
Alain Zenthner
7 mai

At eternity’s gate (À la porte de l’éternité) un film du peintre Julian Schnabel avec William Dafoe (lauréat du prix d’interprétation à la Mostra de Venise 2018).
Dixième film… sur la vie de Vincent Van Gogh.

J’avais une petite appréhension en allant voir ce film car j’avais gardé en mémoire le Van Gogh réalisé par Maurice Pialat en 1991 qui était ridicule et interminable. Je me souvenais notamment du «Oufff !» de soulagement général lâché par les spectateurs dans la salle à l’instant de la mort du peintre (joué par Jacques Dutronc) à la fin du film.

At eternity’s gate est d’un autre registre, il tente de faire comprendre le psychisme du peintre en cherchant à nous entraîner dans sa souffrance mentale, à nous identifier à lui par des procédés cinématographiques qui créent un malaise : caméra plongeante portée à l’épaule, image floutée dans la partie inférieure et accompagnement musical (pianistique) saccadé et résonnant. Des procédés dont le réalisateur abuse un brin et qui finissent par paraître un peu grossier par leur insistance. On aurait envie de lui dire : « ça va… on a compris, filme normalement… ». Ce qu’il finit par faire.

Les dialogues du peintre avec Paul Gauguin, son frère, les médecins et le prêtre dégagent la psychologie et la philosophie du personnage. Ils sont plus intéressants que la moyenne dans ce genre de biopics d’artistes, on sent clairement l’intervention de Jean–Claude Carrière dans le scénario.

Vincent Van Gogh était profondément croyant (son père était pasteur) ce qui explique pour bonne part sa personnalité et son comportement, sa ferveur à peindre, à vouloir absolument partager sa vision du monde qu’il pense être la réalité. Il est convaincu qu’il a mission de peindre sur Terre, car Dieu ne lui a pas donné d’autres qualités, il ne sait faire que cela...

La caméra qui suit les pérégrinations du peintre dans les campagnes pour peindre sur le motif (devant et dans le sujet), sa recherche de la lumière intense (divine… qui explique son séjour à Arles), son besoin d’imprégnation des éléments (de les toucher, les respirer…) traduit bien que pour lui l’acte de peindre est un acte spontané de communion (avec la nature et Dieu).

On peut comprendre, vu sa conviction, que son manque de succès, l’incompréhension, le rejet qu’il rencontre crée une anxiété, une frustration, un déséquilibre mental qui l’amène à s’automutiler surtout lorsque la seule personne (Paul Gauguin) qui semble le comprendre s’éloigne à son tour. Le réalisateur fait l’impasse à juste titre sur son problème avec l’alcool (l’absinthe), même s’il est catalyseur, pour laisser entendre que le mal est plus profond.

Schnabel choisit l’option non pas du suicide mais de la mort accidentelle, tout–à–fait plausible vu la trajectoire de la balle reçue dans le ventre (tirée par deux adolescents qu’il connaissait et qui l’auraient chahuté en jouant au cowboy avec un vieux pistolet enrayé). Il n’aurait pas dit la vérité avant de mourir pour les protéger…

Le réalisateur, Julian Schnabel, peintre néo–expressionniste renommé mondialement, à la personnalité réputée égocentrique vivant dans un palais vénitien rose de 6 étages (le Palazzo Chupi) qu’il a fait construire sur le toit d’un immeuble à New York, se révèle ici fin psychologue et démontre sa capacité à travailler en bonne collaboration : William Dafoe en Van Gogh et Jean–Claude Carrière pour le scénario.


26 mars

Vision ce samedi de Werk ohne Autor (Œuvre sans Auteur) au cinéma Churchill, un film librement inspiré de la vie du peintre allemand Gerhard Richter.
Un film réalisé et écrit par Florian Henckel von Donnersmarck (qui a remporté un Oscar avec La vie des autres en 2006) sorti en 2018 en Allemagne.
Distribution : Paula Beer, Tom Schilling, Sebastian Koch.

Le réalisateur parvient à tenir le spectateur en haleine pendant plus de trois heures en mêlant habilement histoire politique, famille et amour à l’évolution de l’artiste. Pour ce faire, il augmente la biographie réelle de faits fictifs dramatiques qui feront croire à leur rôle prépondérant dans son épanouissement artistique. Ainsi, sa jeune tante qui l’ouvre au monde de l’art sous le régime nazi à Dresde dans les années 30 mais qui affectée de confusions mentales épisodiques est stérilisée puis internée dans un institut (où elle mourra). Le médecin responsable, subjugué par l’idéologie nazie, se trouve être le père de sa future femme…
Celui–ci ira jusqu’à persuader sa fille qu’elle risque sa vie en étant enceinte de son compagnon artiste pour l’avorter, sa véritable motivation étant de ne pas décourager un meilleur parti futur éventuel.

Formé à l’Académie de Dresde dans les années 50, le peintre est contraint de s’en tenir au réalisme socialiste qui doit promouvoir les principes du communisme soviétique. Frustré par ce manque de liberté, malgré un certain succès naissant, il passe à l’Ouest juste avant la construction du Mur (en 1961). Il choisit de s’inscrire (à 30 ans) à l’Académie de Düsseldorf réputée la plus avant-gardiste d’Allemagne.

Dans un environnement où plus aucun jeune artiste ne peint, ses premiers essais pour trouver ce qu’il doit peindre sont laborieux. Son professeur, inspiré de Joseph Beuys (installateur et performeur énigmatique), lui fait comprendre que son travail ne reflète pas sa personnalité, qu’il n’est pas l’expression de son moi profond. En exemple, il s’explique sur son œuvre personnelle qui consiste en des mises en scène de tas graisses et de couvertures de feutre roulées, des éléments qui lui auraient sauvé la vie lorsque, pilote d’avion dans la Luftwaffe, il s’était écrasé en Crimée et avait été recueilli et soigné par des Tatars.

Ce professeur revendique la liberté de pensée de l’artiste dans une scène spectaculaire où il met le feu à deux affiches électorales devant son auditoire sanctifiant que le seul parti qui vaille est celui de l’art…

Pour l’artiste en recherche (Kurt Barnert dans le film), l’illumination vient d’une photo à la Une d’un journal de l’arrestation d’un médecin nazi, 18 ans après les faits. Il décide alors de peindre d’après photo (en usant de canevas puis d’un rétroprojecteur) des tableaux représentant son beau-père en uniforme nazi et de sa tante que celui-ci à envoyer à la mort. Il les floute par des balayages au pinceau pour leur donner le statut de reflets traumatisants de son histoire personnelle.

Ces toiles sont présentées dans le film comme l’origine de sa renommée internationale. La première photo–peinture de Richter fut en réalité la représentation d’une table barbouillée, Table (1962). Il ne présentera une photo–peinture de sa tante réellement victime de l’eugénisme nazi (mais pas de son beau-père !) qu’en 1965 après sa première exposition.

Gerhard Richter est passé ensuite par différentes manières voguant de l’hyperréalisme à l’abstraction avec ces grands raclages de couleurs puissantes superposées où l’on a du mal à retrouver le reflet du moi profond que préconisait Joseph Beuys.

Si la création artistique se trouve idéalisée et magnifiée, caractéristique habituelle du cinéma hollywoodien à d’autres propos, on peut saluer l’audace scénaristique du réalisateur qui lui permet de porter le sujet (incluant l’art contemporain) sans ennui au travers une belle fresque historique, politique et sociale.


PS : Il me semble que si l’art et les artistes ne s’occupent pas de politique, c’est la politique qui s’occupera d’eux comme démontré d’ailleurs dans ce film (une grosse contradiction, puisque le protagoniste passe à l’Ouest pour pouvoir s’exprimer comme il l’entend).
D’autre part, les expressions du moi profond (graisse et feutre pour Beuys) si on consent à les admettre, sont-elles toujours un gage d'intérêt artistique ?


19 mars 2019

C’était la dernière représentation dimanche dernier de L’Évasion de Socrate au Théâtre Arlequin, une pièce écrite par Armel Job (un écrivain wallon dont les romans sont publiés aux Éditions Robert Laffont), mise en scène par José Brouwers et distribuée par Catherine Ledouble, Serge Swysen, Jean-Louis Maréchal et Alexandre Tirelier.
Décor : Valérie Urbain
Costumes : Marie-Josée Delecour
Musique : Luc Baiwir
Son : Franco De Bartolomeo
Lumières : Alex Fontaine

Cette première création d’une pièce d’Armel Job est due à Catherine Ledouble (l’épouse de Socrate dans la pièce), grande admiratrice de ses romans, qui l’a fait connaître à José Brouwers (le fondateur du théâtre). Celui-ci rencontrera ensuite l’auteur par l’entremise d’Edmond Blattchen.

Il semble que pour la création de cette pièce tout se soit conjugué pour réunir des talents indiscutables de la région en ce compris la décoratrice, la costumière, le musicien et les techniciens son et lumières. Résultat : un petit chef-d'œuvre.

La pièce écrite avec virtuosité par un helléniste (ancien professeur de latin et de grec ancien) est mise en scène par José Brouwers de manière parfaitement appropriée, en se mettant au service du texte et non en cherchant à l’utiliser. Elle est interprétée par des comédiens aguerris (Serge Swysen dans le rôle de Socrate, Jean-Louis Maréchal dans celui de Criton – son meilleur ami, Alexandre Tirelier dans celui de Cabillios – le gardien, et Catherine le double dans celui de Xanthippe – l’épouse de Socrate) poussés par l’intensité de l’écriture à sortir de leur zone de confort habituelle et à exploiter tout le potentiel de leur talent. Un jeu subtil, de délicatesse en rudesse ou l’inverse, dopé d’expressions faciales et corporelles précises, résolues, exaltant leurs reparties.

Le décor est celui de l’intérieur d’une prison, une pièce en sous-sol (suggéré par quelques marches précédant l’entrée en scène) sur laquelle donne la porte du cachot de Socrate. Un décor que la conceptrice n’a pas voulu sombre, mais d’une tonalité plutôt chaude ajustée à celle du texte (poteaux de bois rythmant des murs de moellons crayeux esquissés, légère couleur verdâtre saupoudrée à leur base pour suggérer la moisissure, rétroéclairage projetant l’ombre portée des barreaux).
La musique de Luc Baiwir s’invite doucement pour relever avec mesure les émotions aux moments les plus sensibles.

L’épisode se passe donc à Athènes en 399 av. J.-C. la veille de l’exécution de Socrate pour perversion de la jeunesse et impiété. Il sera contraint par les autorités de boire la ciguë. Criton, son ami d’enfance et sa femme Xanthippe cherchent à le convaincre de s’évader opposant sa dignité intemporelle à leur amour pour lui et à la réalité des faits. S’obstinant à refuser, son ami et sa femme exhortent alors son geôlier (moyennant mille dragmes) de lui faire boire un puissant somnifère plutôt que la ciguë ce qui permettra de faire croire à sa mort et d’emporter son corps dans une retraite loin d’Athènes où il pourra finir ses jours tranquille. La pièce se termine sur les hésitations du geôlier entre les deux fioles…

Ce consentement de Socrate à mourir par respect de l’idée supérieure qu’il se fait de la justice est évidemment très suspect. On peut se demander, en effet, si Platon (le témoin et rapporteur essentiel) n’a pas fomenté cette version des faits pour faire de Socrate un martyr de la philosophie et assurer par ce biais sa postérité personnelle (comme il est d’ailleurs suggéré dans la pièce).

À l’heure où le théâtre actuel tend de plus en plus à se perdre dans des créations collectives souvent un peu confuses, c’est un réconfort de voir une pièce structurée, compacte, rédigée dans une langue raffinée, portant à réflexions sur des sujets philosophiques (la justice idéalisée et la transcendance de l’individualité) et d’actualité (le populisme et le culte de la personnalité) sans se départir d’humour distillé en respiration.

On pourrait regretter que la pièce n’aura été représentée qu’une vingtaine de fois, alors qu’il est probable que dans une ville à la densité de population et au potentiel de spectateurs plus grands, elle pourrait tenir l’affiche des mois, sinon des années...

Mais à n’en pas douter, elle s’exportera et nous reviendra…


10 février 2019

(Paul Jorion : anthropologue et auteur renommé d’essais sur l’économie capitaliste, la finance et l’avenir de l’humanité)

Bonjour Monsieur Jorion,

Je me demandais pourquoi vous parlez si peu (à ma connaissance) des paradis fiscaux qui, à mon avis, mériteraient un livre à eux seuls et beaucoup plus d’interventions de votre part, car il me semble qu’ils sont le fondement de la politique ultralibérale percutante menée en Europe (et ailleurs) ces dernières années, les lieux où se cache son trésor de guerre.
Ils devraient être la première cible des gens raisonnables qui souhaitent protéger le modèle social et la planète. Parvenir à lui couper les vivres ou en tout cas à les limiter est vital car cette politique d’exploitation maximale des ressources naturelles dans un mode fini nous mène à notre perte en passant par beaucoup de douleurs et d’injustices.

Je vous communique ci–dessous un article que j’ai écrit sur le sujet pour mon site :

Difficile de nier encore en ce début t d’année le résultat désastreux des politiques ultralibérales menées par les gouvernements au pouvoir en Belgique et en France (sinon dans toute l’Europe). Ceux–ci sont parvenus à susciter l’exaspération de la majorité de la population comme jamais depuis des décennies, confortant la défiance à l’égard du monde politique en général.

On ne semble toujours pas prendre conscience que ces politiques sont menées sous la pression des détenteurs de capitaux cachés dans les paradis fiscaux (à la recherche de profits toujours croissants), des capitaux impliqués dans la moitié du flux financier mondial ! Ces paradis fiscaux ou juridictions de complaisance, qui ont chacun leurs spécialités, sont actuellement au nombre de quatre–vingt–huit parmi lesquelles, rien qu’à portée de main, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, les Pays–Bas, la City de Londres, Jersey, Guernesey, l'Irlande, Monaco, Andorre, le Liechtenstein... (Et non huit comme le prétend la Commission européenne). Les détenteurs peuvent être n’importe qui : multinationales, grosses entreprises, institutions financières (banques, assurances, etc.), particuliers très fortunés, mais aussi des mafias (de la drogue, du sexe, des armes, etc.), puisque le secret bancaire est toujours d’application pour les plus nantis malgré ce que certains gouvernements prétendent (dixit un banquier luxembourgeois !)

Ces ploutocrates sont devenus si puissants qu’ils sont en mesure de rendre les États dépendants de leurs capitaux. Ce sont, en effet, des acteurs privés qui organisent une mise en concurrence des États et non l’inverse. À celui qui sera le plus avantageux pour qu’on s’implante chez lui, le taux moyen d’impôts sur les bénéfices des sociétés ne cesse dès lors de diminuer partout au détriment du contribuable.

Pour augmenter leurs avoirs, ils cherchent à réduire le rôle des États au maximum en incitant la privatisation des services publics dont ils profitent néanmoins. Ils imposent pour ce faire des directives d’austérité mises au point dans les think–tanks libéraux ou organisations telles que la Société du Mont Pèlerin répercutées ensuite en cascade par les lobbies, le FMI, les banques centrales, la Commission européenne, le grand patronat et les partis politiques à leur solde (ceux qui ne le sont pas y étant contraints : Syriza, Ligue du Nord, etc.)

L’argument massue utilisé est la dette publique qu’ils ont contribué à creuser (notamment pour sauver les banques privées) et qu’ils veulent faire rembourser à la classe moyenne la plus large sans y prendre part. Ils prônent une pression sur la productivité, une fiscalité élevée, une restriction des effectifs, des salaires, des pensions (tout en allongeant les carrières), de l’entretien des biens publics, etc. Tous les secteurs des services publics (police, justice, enseignement, santé, etc.) se trouvent ainsi affectés. Seuls ces opulents (grands patrons, banquiers, actionnaires, etc.) et leurs exécutants (politiciens et hauts fonctionnaires européens ou autres) peuvent se permettre de conserver ou d’augmenter leurs rétributions et privilèges (parachutes dorés par exemple).

Dans ces conditions, on peut se demander si se déplacer pour aller voter a encore un sens. De plus, les systèmes électoraux qui prétendent garantir la démocratie semblent organisés pour laisser toute latitude à l’élite financière d’organiser le pouvoir.

Le système électoral français de la présidentielle (scrutin uninominal majoritaire à deux tours) a permis de mettre au pouvoir un homme politique qui n’a reçu que 17% des voix des Français (tenant compte des abstentions), le second tour étant un vote du moindre mal (par défaut pour éliminer l’extrême droite) plutôt qu’un vote d’opinion.

Pire encore en Belgique où le parti du Premier ministre n’a reçu que 7,8 % des voix des Belges (9,6% des votants, les abstentions s’élevant à 19,1 % de l’électorat dans un pays où le vote est obligatoire – suffrage universel direct à la représentation proportionnelle). Charles Michel ne doit donc son poste qu’à des manœuvres politiciennes, des arrangements entre partis pour former une majorité qui gouverne le pays au détriment d’autres qui ont récolté plus de voix (le PS en Wallonie).

Il est curieux de constater que le problème des paradis fiscaux est encore traité dans les médias et par les économistes (même rebelles au capitalisme) de manière subalterne alors qu’il est le fondement essentiel des problèmes que rencontrent nos sociétés, injustices sociales et atteintes graves à l’environnement (neuf des plus grandes entreprises qui participent de la déforestation de l’Amazonie ont des capitaux dans les paradis fiscaux). Un manque de clairvoyance ou d’honnêteté qui risque d’éveiller l’opinion publique trop tard... quand le modèle social et les ressources de la planète seront détruits.

On voit qu’il sera difficile d’enrayer ce fléau de l'évasion fiscale puisqu’il est mondial et nomade. Le seul espoir sera de trouver un consensus international comme on tente de le faire au niveau climatique (l’un et l’autre sujet étant d’ailleurs liés). On devine bien que le chemin pour y parvenir devra être jalonné de soulèvements populaires exceptionnels tels ceux des gilets jaunes, mais à l’échelle planétaire...

Bannir les paradis fiscaux c'est rendre la gestion du modèle social et du bien commun aux États qui n'auraient jamais dû la perdre.


Alain Zenthner

Avec tout mon respect pour votre travail,
Cordialement.

Réponse de Monsieur Paul Jorion :

Merci. Faites une recherche sur mon site. Lisez en particulier ma déposition au Sénat.
Paul Jorion


Après recherche sur le site de Monsieur Jorion, il y a effectivement des interventions sur les paradis fiscaux mais elles datent de 2013.
On peut donc s’en étonner (fortement) vu l’évolution de la situation sociale ces derniers mois… Il semble préférer pour l’instant nous parler du Brexit et de Trump… ?


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